Introduction
De plus en plus de personnes en Europe se soucient tant de la qualité que de l’impact environnemental et social de la nourriture qu’ils achètent. Ces derniers temps, le concept de manger bio et local se popularise. Toutefois, malgré cet engouement, une telle alimentation semble aujourd’hui encore peu accessible aux couches sociales les moins favorisées. Face à cette réalité, des projets coresponsables en faveur d’une alimentation locale et biologique pour tous se sont développés dans toute l’Europe.
En quoi la coresponsabilité peut-elle être d’une grande aide dans la mise en place de ce type de projets et/ou d’actions ? L’idée principale de la coresponsabilité est que tout le monde agisse ensemble pour élaborer des projets qui puissent assurer le bien-être de tous, tout en ayant le moins d’impact environnemental possible. Ainsi, il s’agit de projets portés par différents acteurs de la société : des citoyens (pouvant être réunis dans une association d’habitants d’un quartier ou d’une commune) et des acteurs publics et privés (telles que des entreprises, des ONG ou une mairie). Ceux-ci se réunissent et prennent l’initiative de créer un groupe de travail sur la souveraineté alimentaire locale. Ce groupe, qui agit de manière coresponsable dans le but d’assurer le bien-être de tous pour aujourd’hui et demain, travaille sur les thématiques de la souveraineté alimentaire locale et de l’accès à une alimentation saine et locale pour tous les habitants de la commune/du quartier. (Pour plus d’informations sur le modèle de référence, cliquez ici).
Historique du sous-réseau
Suite à la création du réseau TOGETHER en novembre 2013, le sous-réseau thématique sur l'alimentation a vu le jour durant le premier semestre 2014 en s'appuyant sur les acquis du projet Responding Together. Néanmoins, aucune réunion de lancement sur la thématique n'a été organisée, ce qui n'a pas empêché d'avancer sur le sujet et de croiser les expériences les plus innovatrices et complémentaires grâce au travail de Mihaela Vetan. La mise en place du projet CO-ACTE est l'occasion de redynamiser ce sous-réseau.
Activités et perspectives
La prochaine réunion du sous-réseau aura lieu les 28&29 mai 2016 à Timisoara - Roumanie. Elle prévoit la rencontre de différents acteurs autour de cette thématique, avec pour objectif de compléter les propositions de politiques publiques développées dans le cadre du projet Co-Acte. Le personne référante pour ce sous-réseau dans le cadre du projet Co-Acte est Mihaela Vetan. Pour plus d'informations sur ce projet et sur les réunions des sous-réseaux thématiques, rendez-vous ici et là !
Les diverses expériences qui ont été menées jusqu’à présent ont permis de déterminer neuf chemins de travail qui se présentent tout au long de la chaîne agro-alimentaire : la production, la distribution, la consommation, mais aussi l’éducation.
Résultats
Cadre de référence commun
A) Production
En ce qui concerne la production, de nombreuses initiatives existent pour inciter les populations à produire leur propre nourriture.
Il s’agit d’un concept provenant des Etats-Unis, où les jardins communautaires dans les zones urbaines s’inscrivent dans un phénomène historique d’appropriation de friches pour leur transformation en jardins potagers. Concrètement, un jardin communautaire est un jardin, qui peut être une propriété publique ou privée, géré en commun par un groupe de personnes. Certains jardins sont entretenus de façon collective, tandis que d’autres sont divisés en petites parcelles gérées par des jardiniers différents (individuel, groupe ou famille), et beaucoup de jardins communautaires sont en réalité composés de ces deux types de terrains. En général, les récoltes sont réparties entre les personnes qui s’occupent du jardin. Les avantages des jardins communautaires, outre l’aspect de la production d’une alimentation saine sont :
- la récupération, l’entretien et la remise en valeur d’espaces publics abandonnés,
- la création d’une convivialité et de liens sociaux entre les habitants d’une même communauté mais qui sont de différentes générations, différentes origines et différents niveaux sociaux,
- le développement des jardins dans le but d’aider les personnes ostracisées ou handicapées,
- la sensibilisation et l’éducation les populations urbaines aux questions relatives à la biodiversité et à l’environnement.
Par exemple, la ville de Paris a mis en place un programme local pour encourager la création de jardins communautaires qui s’appelle Main Verte. Cela se passe de la manière suivante : un accord est signé entre la mairie et une association locale pour une période d’un an, renouvelable par tacite reconduction pour une durée maximum de cinq ans. Par cet accord, la mairie fournit un terrain à une l’organisation locale. Elle peut également fournir l’approvisionnement en eau, des clôtures, etc. L’association de son côté s’engage à s’occuper du jardin et de laisser un accès libre au public. Pour plus d’informations sur cette initiative, cliquez ici.
Fourniture d’éléments essentiels à la production
L’association Heifer gère le bétail ainsi que les projets de microcrédits en Roumanie, Moldavie et Bulgarie afin d’aider des petits producteurs mais aussi la population locale.
B) Distribution
Les projets relatifs à l’étape de la distribution promeuvent un lien direct entre les producteurs et les consommateurs, mais permettent aussi à des personnes défavorisées d’avoir accès à une nourriture saine qu’elles ne pourraient autrement pas se procurer.
Les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP)
Il s’agit d’un partenariat de proximité entre un groupe de consommateurs et une exploitation locale débouchant sur un partage de récolte régulier, le plus souvent hebdomadaire. Il peut s’agir d’un partenariat entre un groupe de consommateurs et un producteur ou d’un partenariat entre un groupe de consommateurs et un groupe de producteurs. En France, ce sont donc des AMAP, les pays anglophones parlent de Community Supported Agriculture, au Japon, ce sont les Teikei, et en Roumanie, l'ASAT.
L’achat collectif
L’idée ici est qu’un groupe de consommateurs passe une commande commune auprès d’un producteur ou un groupe de producteurs. Généralement, les consommateurs s’adressent à des producteurs locaux et paient leurs commandes à l’avance. L’aspect administratif de ce système est géré par des volontaires membres de l’association.
Cuisines collectives et cafés communautaires
La cuisine collective est un concept de restauration fondé sur l’économie du don qui peut se décliner de plusieurs façons :
- Les patrons ne paient que ce qu’ils peuvent et servent tous les membres de la communauté sans prendre en compte leur capacité à payer.
- Un groupe de personnes locales se propose pour préparer des repas. Les clients soit paient le repas, soit apportent leur aide en cuisine (comme à la Cozinha Popular da Mouraria).
- Les personnes choisissent leur propre portion et sont libres de déterminer le prix qu’ils veulent payer (philosophie de One world everybody eats)
Restaurants servant de la nourriture aux personnes dans le besoin
Restaurant social La Trobada (Espagne) : ce restaurant donne la possibilité à des personnes au chômage de manger au restaurant et de jouir d’un repas de qualité en échange de quelques heures de travail effectuées pour le service ou le ménage du restaurant.
The beach café au Portugal : il s’agit d’un lieu public proposant des soupes, sandwiches, cafés ou des softs comme tout café de plage le ferait. Des bons de réductions sont mis à dispositions des clients pour qu’ils les distribuent aux personnes dans le besoin, ces bons de réduction sont également distribués par des assistants sociaux.
C) Consommation
Cela fait quelques années que de nombreux projets en faveur d’une consommation « intelligente » ont vu le jour, avec notamment cette idée principale qui est d’éviter le gaspillage alimentaire, fléau de notre société de consommation actuelle, en réutilisant des déchets ou des produits non utilisés.
Eviter le gaspillage alimentaire
Il existe de nombreuses initiatives différentes pour éviter le gaspillage dans la chaîne alimentaire. Leurs objectifs sont de collecter les produits avant que leur date de péremption n’expire (ces aliments peuvent être donnés par des personnes ou des magasins ou peuvent leur achetés à un prix spécial) afin de les redistribuer (les aliments peuvent alors être donnés à des personnes défavorisées ou leur être vendus à un prix spécial) ou de les transformer :
- les épiceries sociales comme Somaro à Bucharest
- les banques alimentaires
- les réseaux dévelopés sur le web pour encourager la collecte de nourriture : Ifoodshare
- l’initiative italienne Last Minute Market
- transformer les fruits et légumes en jus et soupes : Rejuce
- Zero Waste Europe
- PlanZheroes au Royaume-Uni
D) Education
L’éducation joue un rôle important car elle permet de sensibiliser les citoyens à des causes et des questions qui sont essentielles pour développer un monde où règnerait le bien-être de tous. Ainsi, les projets éducatifs sont utiles, voire nécessaires, dans tous les domaines où un bouleversement des habitudes est prévu.
Education à un système alimentaire soutenable
- les ateliers de permaculture
- les ateliers pour apprendre à consommer et à se nourrir de façon durable
- Le mouvement Food Not Bombs dont le but est d’attirer l’attention de la société sur la pauvreté et les sans-abris en distribuant de la nourriture dans les espaces publics et en facilitant le rassemblement des personnes souffrant de la faim.
E) Projets hybrides
Certains projets sont en quelque sorte des hybrides dans le sens où ils ont un impact sur plusieurs étapes de la chaîne agro-alimentaire mais aussi sur la vie sociétale grâce à l’aspect éducatif et/ou de réinsertion. Tel est le cas par exemple des fermes à vocation sociale.
Le « social farming » ou fermes à vocation sociale
Les fermes à vocation sociale peuvent être créées par des associations ayant un ou plusieurs objectifs sociaux. Cette vocation sociale peut se décliner de plusieurs façons : fermes pédagogiques, structures d’accueil spécialisées dans l’accompagnement médical ou social.
- Création d’emplois et de formations pour aider les personnes défavorisées à entrer sur le marché du travail, les fermes se présentant alors comme des entreprises sociales d’insertion par le travail.
Par exemple, l’initiative Jardin de Cocagne en France qui allie le principe de la distribution en circuit court (telle une AMAP) et à l’agriculture biologique à l’insertion par le travail pour des personnes en grande précarité.
- Production d’aliments pour les personnes défavorisées. Dans ce cas, la production est donnée à des banques alimentaires, des restaurants sociaux, magasins sociaux, etc. La production peut être faite par les volontaires ou des personnes défavorisées qui sont payées pour le travail fourni.
Par exemple, le « Food Bank Garden » ATV De Hoge Weide – De Voedselbanktuin a été mis en place spécifiquement pour fournir des aliments frais pour une banque alimentaire. Tous les légumes cultivés dans ce jardin sont donnés à la banque alimentaire, et avant chaque distribution, les membres de l’association peuvent également donner les surplus de nourriture qu’ils ont chez eux.
Conclusions
Les évaluations ex-ante qui ont été effectuées dans ce sous-réseau thématique montrent que toutes ensemble, les actions-types parviennent à avoir un impact positif sur une très grande majorité des ingrédients du bien-être de la grille SPIRAL. Il semblerait donc que l’hybridation de toutes ces actions-types tout au long de la chaîne alimentaire puisse permettre une avancée considérable vers le bien-être de tous, générations futures incluses. Toutefois, il existe, aujourd'hui encore et malheureusement, un manque de synergie dans ce domaine, dû notamment à une absence de stratégie territoriale en la matière. Pourtant, mettre en place toutes ces actions dans un même ensemble permettrait d’atteindre à terme la souveraineté alimentaire au niveau local, c’est-à-dire qu’un quartier/territoire ait la capacité d’assurer une alimentation saine pour tous de manière autonome.