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Co-évaluation participative des 140 Plans de Cohésion Sociale (PCS) des communes de Wallonie

Document de Synthèse

Introduction

Les Plans de Cohésion Sociale (PCS) des villes et communes de Wallonie ont été élaborés et mis en oeuvre de 2009 à 2013 dans le cadre de la politique de cohésion sociale de la Wallonie. 147 communes sur un total de 253 communes wallonnes ont ainsi développé leur propre plan de cohésion sociale, ou, dans le cas de quelques petites communes, se sont regroupées autour d’un même plan, donnant lieu à un total de 140 PCS. Ces plans s’inscrivent dans la suite de la politique de cohésion sociale menée par la Région Wallonne depuis une dizaine d’années, s’inspirant, entre autres, de la stratégie de cohésion sociale du Conseil de l’Europe (2000, révisée en 2004, 2007 et 2010), puis de son Plan d’Action pour la Cohésion Sociale (2010).

Dans le décret lançant les PCS, leur évaluation est prévue au niveau des communes et au niveau régional. La Région Wallonne a sollicité le Conseil de l’Europe pour participer, en collaboration avec l’IWEPS, à l’encadrement méthodologique de cette évaluation, en s’appuyant sur les méthodes de co-évaluation participative préconisées dans le cadre de son Plan d’Action pour la Cohésion Sociale et de la méthodologie SPIRAL qui lui est attachée.

Le présent rapport présente le résultat de cette co-évaluation participative, sous la forme d’une synthèse générale produite à partir des synthèses de chacun des 140 PCS, qui sera complétée ultérieurement par une synthèse directe au niveau régional de l’ensemble des fiches individuelles recueillies.

Il présente tout d’abord le cadre politique de la cohésion sociale et des PCS afin de comprendre les enjeux et le rôle-clé de l’évaluation réalisée, ainsi que de la méthodologie proposée, pour arriver ensuite aux résultats eux-mêmes en distinguant les réponses aux trois grandes questions de l’évaluation. Finalement sont présentés quelques éléments de conclusions en termes de recommandations pour la suite du processus, tant au niveau local que régional et même européen.

L’analyse détaillée des réponses des communes qui étayent les résultats présentés dans ce rapport est placée en annexe, de même que la méthodologie d’analyse, les résultats statistiques et le guide qui a servi aux communes pour faire leur propre analyse. Un document plus complet, comprenant l’ensemble des réponses des communes, reclassées par questions et sous-questions, est également disponible.

L’équipe de la Division Recherche et Anticipation pour la Cohésion Sociale du Conseil de l’Europe, en charge de la réalisation de ce document, remercie vivement la Direction interdépartementale de la Cohésion sociale du Service public de Wallonie, notamment sa directrice a.i. Madame Carine Jansen, ainsi que le CRF (Conseil Régional de Formation) et l’ensemble des communes qui ont participé à l’évaluation pour leur collaboration et l’opportunité qui a été donnée de conduire ce travail, porteur d’enseignements particulièrement pertinents non seulement pour la Wallonie elle-même, mais également au niveau européen pour la conduite du Plan d’Action pour la Cohésion Sociale du Conseil de l’Europe et pour les objectifs 2020 de l’Union Européenne.

1- Le cadre politique de la cohésion sociale et des PCS

La cohésion sociale est, selon la définition adoptée par le Conseil de l’Europe et ses 47 Etats Membres, la capacité de la société à assurer le bien-être de tous et à réduire les disparités. Cette définition lui donne un sens politique qui va bien au-delà du seul domaine social pour la positionner sur le plan du progrès sociétal englobant différents objectifs, y compris de ceux du développement durable, si on considère que le bien-être de tous intègre également celui des générations futures. Elle rend par ailleurs explicite la nécessité d’une coresponsabilité de toutes les parties prenantes de la société, acteurs publics et privés et citoyens, comme mis en avant dans la stratégie de cohésion sociale du Conseil de l’Europe et son Plan d’Action. Cohésion sociale et coresponsabilité pour le bien-être de tous apparaissent ainsi comme les deux facettes d’un même concept et d’un même objectif de progrès sociétal.

Dans ce contexte les Plans de Cohésion Sociale (PCS) des communes de la Wallonie qui ont été élaborés et mis en oeuvre de 2009 à 2012 dans le cadre de la politique de cohésion sociale régionale ont une ambition qui va bien au-delà des objectifs des plans qui les ont précédés. Ils visent à construire la coresponsabilité pour le bien-être de tous en donnant la priorité aux situations de mal-être, notamment des personnes exclues de leurs droits fondamentaux, vivant en situation de pauvreté et/ou d’isolement dans un contexte d’inégalités croissantes. Même si cette ambition n’était pas toujours explicite au départ, l’évaluation des PCS réalisée en 2012 met en évidence comment leur mise en oeuvre s’inscrit dans cette perspective et ouvre des voies particulièrement importantes pour l’avenir. Notamment les Commissions d’Accompagnement, réunissant les principales parties prenantes de la société locale sont le creuset même de la coresponsabilité entre acteurs autour d’objectifs communs, permettant de dépasser les barrières conventionnelles entre secteurs publics et privés, entre services et entre citoyens et institutions.

Mais plus encore, les PCS ont mis en évidence en quoi une approche de coresponsabilité est porteuse de réponses pertinentes dans un contexte de crise et de réduction des moyens disponibles : 1) tout d’abord par une meilleure connaissance des situations de pauvreté et d’exclusion des droits fondamentaux ; 2) ensuite par la mobilisation qu’elle permet de ressources sous-utilisées et non disponibles ; 3) également par l’implication de l’ensemble des acteurs et citoyens, se traduisant par la mise en place de multiples formes de solidarités dépassant les barrières traditionnelles, entre classes sociales, générations, cultures; et 4) enfin et surtout par les processus de reconnaissance et de reprise de confiance qu’elle induit chez les personnes victimes d’exclusion et de pauvreté, leur permettant de retrouver un chemin d’inclusion avec des effets multiplicateurs potentiellement transformateurs.

Ces quatre champs d’impacts réels ou potentiels des PCS ont une importance majeure car ils sont porteurs de voies possibles de changements d’échelle dans l’accès aux droits fondamentaux pour tous et le bien-être de tous, en s’appuyant presque exclusivement sur les ressources (matérielles et immatérielles, humaines et morales) déjà existantes. En ce sens ils constituent des pistes de solutions à un problème crucial auquel sont confrontés les acteurs à toutes les échelles territoriales en Europe : celui de pouvoir répondre aux besoins croissants de soutien face à la crise sans possibilité d’accroitre les moyens disponibles, et donc de (re)donner un caractère de faisabilité aux objectifs 2020 de l’Union Européenne de réduction du nombre total de personnes vivant en situation de pauvreté de 20 millions à un moment où la précarité et la dégradation économique des personnes et des familles sont en pleine croissance en Europe, sans que les pouvoirs publics n’aient les moyens d’y faire face.

Cependant ne nous y trompons pas, il ne s’agit pour le moment que de pistes de solutions encore trop sporadiques, insuffisamment explorées pour pouvoir constituer de véritables solutions éprouvées et transformables en politiques publiques systématisées. Des freins majeurs persistent et un travail reste à faire d’analyse et de meilleure compréhension de ce qu’il a été possible d’obtenir, ce qu’il ne l’a pas été et pourquoi, ce qu’il pourrait l’être et dans quelles conditions.

2- Le rôle clé de l’évaluation

Dans ce contexte, l’évaluation des PCS revêt une importance particulière. Elle doit notamment pouvoir mettre en évidence l’impact et la plus-value, réels et potentiels, de l’approche de coresponsabilité développée dans les PCS par rapport aux approches conventionnelles, montrer comment cet impact pourrait être démultiplié et être porteur de solutions pour l’avenir, ce qu’il faudrait faire pour y parvenir et donner ainsi des pistes de réflexion pour les prochains PCS.

La tâche est d’autant plus complexe que cet impact est la plupart du temps difficilement visible et identifiable, d’abord parce qu’il n’est pas aisé de repérer les impacts les plus pertinents, ceux qui induisent des cycles vertueux, comment cela se passe et pourquoi, et ceux qui pourraient les induire et dans quelles conditions, et ensuite parce qu’il s’agit souvent d’impacts immatériels, concernant parfois des aspects plus intimes de la vie des personnes. Par ailleurs la question ne se pose pas seulement en termes d’impact sur le bien-être individuel et collectif par une approche de coresponsabilité mais aussi de capacité des acteurs à agir dans la coresponsabilité. Là aussi, on retrouve des obstacles et des cercles vertueux pouvant permettre de les dépasser.

Impacts sur le bien-être et impacts sur la capacité à agir dans la coresponsabilité pour y parvenir sont bien sûrs inter-liés : c’est en prenant conscience du fait qu’ils peuvent changer la donne en termes de bien-être de tous, y compris leur propre bien-être, que les acteurs comprennent l’intérêt d’une approche de coresponsabilité et s’y impliquent. Il y a là un autre cercle vertueux à mettre en valeur, d’où, là encore, le rôle essentiel de l’évaluation qui facilite précisément cette prise de conscience.

L’évaluation est donc une pièce maîtresse des processus de construction de la cohésion sociale. Elle en fait partie intégrante et joue un rôle clé pour leur renforcement et leur extension. Elle doit notamment permettre aux acteurs du territoire de prendre la mesure des processus dans lesquels ils sont engagés, de leur pertinence pour aller vers une société équilibrée et durable du bien-être de tous et du bien-vivre ensemble et des défis qu’ils doivent encore relever pour y parvenir. Parmi ceux-ci, il y a la nécessité de pouvoir impliquer l’ensemble des acteurs et des institutions du territoire dans une démarche de coresponsabilité et donc d’affronter certains obstacles de taille pour y parvenir. Nous en citerons deux majeurs que l’on retrouve presque universellement : comment impliquer le monde de l’économie (entrepreneurs, agriculteurs, banques, etc.) dans la coresponsabilité pour le bien-être de tous, surtout quand cela demande parfois une révision de certaines de leurs pratiques ? Et comment assurer l’intégration des différentes approches sectorielles ou non du développement local dans leur diversité dans une perspective transversale de construction de la coresponsabilité, allant au-delà des cloisonnements existants souvent entre institutions, voire même entre services d’une même institution publique ? La tâche n’est pas aisée et la diversité des sources et niveaux de financement (régional, fédéral) induisent parfois des freins à l’intégration au niveau local dont il faut pouvoir discuter, y compris à d’autres niveaux.

En ce sens l’évaluation doit pouvoir jouer un rôle de mise en débat non pas seulement au niveau local de chaque commune, mais également au niveau de la Région, du Fédéral, voire européen. Ce débat fait écho à un souhait politique de plus en plus affirmé de répondre au besoin de cohérence territoriale et d’éviter la démultiplication des démarches et initiatives dont les complémentarités ne sont pas toujours évidentes et parfois lourdes à gérer. Cela pose clairement la question du rôle politique des prochains PCS : dans quelle mesure doivent-ils être les porteurs de cette intégration, étant les promoteurs d’une démarche de coresponsabilité, ou simplement des facilitateurs, quels soutiens politiques leur donner pour relever ces défis ? Très clairement c’est un débat à conduire avec les élus et, en ce sens, l’évaluation des PCS doit pouvoir également entrer dans le champ de la réflexion politique.

3- La méthodologie d’évaluation

Un certain nombre de raisons, on le voit, militent en faveur d’une méthodologie d’évaluation participative avec des avantages à deux niveaux. D’une part en termes de résultats, par la meilleure connaissance des impacts immatériels ou moins visibles qui sont souvent insuffisamment analysés, voire passés sous silence, alors qu’ils constituent des leviers essentiels de cohésion sociale. Et d’autre part en termes de processus par l’appropriation des résultats par l’ensemble des acteurs et le renforcement de la dynamique de cohésion sociale et de coresponsabilité des acteurs, notamment pour la préparation des nouveaux PCS).

L’objectif même de cohésion sociale porte en soi une notion différente de l’évaluation, comme le met en évidence le Conseil de l’Europe dans les méthodes d’évaluation qu’il préconise dans son Plan d’Action pour la Cohésion Sociale et la méthodologie SPIRAL qui lui est attachée. Plutôt qu’une évaluation de contrôle qui se positionne avant tout du point de vue du financeur avec des effets potentiellement contreproductifs en termes de coresponsabilité et cohésion sociale (méfiance vis-à-vis de l’évaluation, freins à la transparence, non appropriation des résultats), la co-évaluation participative des impacts proposée par la méthodologie SPIRAL vise à être un outil qui fait partie du processus lui-même et le renforce, aisément appropriable par toutes les parties prenantes. En accord avec l’objectif de cohésion sociale et sa définition, elle est organisée autour de trois grandes questions :

  • Quel est l’impact des PCS sur le bien-être de tous ?, en analysant cet impact sur une grille établie à partir des critères des citoyens ;
  • Quel est son impact sur la capacité des acteurs à assurer le bien-être de tous ?
  • Quels enseignements en tirer pour les prochains PCS ?

Cela ne signifie pas que l’évaluation de contrôle, notamment financier, n’a pas lieu d’être, mais plutôt que de la positionner en amont sur des normes fixées a priori, la réaliser sur la base des résultats de la co-évaluation participative d’impacts permet d’intégrer des critères a posteriori d’analyse comparée de l’efficience financière, comme par exemple la prise en compte des effets multiplicateurs.

Concrètement, la mise en oeuvre de la co-évaluation participative a consisté à réaliser dans un premier temps un certain nombre de tables rondes entre bénéficiaires et partenaires d’une même action, voire d’un même axe, et entre partenaires pour le PCS dans sa globalité, voire par axe. Le nombre de table-rondes était laissé au choix des communes, au-delà de deux tables rondes minimum obligatoires (une pour les bénéficiaires et une pour les partenaires).

Dans un deuxième temps, il s’est agi de répondre aux trois questions ci-dessus présentées, à partir des résultats des table-rondes ainsi que d’autres sources, dont la propre connaissance et l’expérience des responsables des PCS. Pour ceci le Conseil de l’Europe a proposé un guide en 31 « sous-questions » (16 pour la première grande question, 10 pour la deuxième et 5 pour la dernière). Ce questionnaire avait pour finalité d’inciter à la réflexion en utilisant toutes les informations et connaissances disponibles afin de parvenir à un raisonnement systématisé sur : 1) l’étendue et les limites de l’impact obtenu ; 2) les besoins clés non couverts (i.e. ceux qu’il faudrait atteindre pour obtenir une meilleure pertinence) ; 3) ce qu’il aurait fallu faire pour les atteindre ; 4) les possibilités pour y parvenir à l’avenir (dans le prochain PCS) pour déboucher ensuite sur des recommandations et orientations pour le prochain PCS.

4- Synthèse des résultats

Par leur nombre élevé (une par PCS, soit 140 au total) et le nombre de personnes qui y ont participé (plus de 5000 bénéficiaires et partenaires), les évaluations réalisées offrent une grande diversité et richesse de réponses et, de ce fait, une excellente garantie quant à la validité de ces dernières. On trouvera en annexe 2 un rendu de ces réponses, sous-question par sous-question, reprenant, de manière regroupée et quantifiée le contenu sémantique des 140 synthèses envoyées par les communes, elles-mêmes produites à partir des résultats des tables rondes et des informations recueillies auprès des techniciens au niveau local. La méthode utilisée pour l’analyse et les synthèses et les enseignements méthodologiques que l’on peut en tirer sont présentés en annexe 1.

Ci-suit un résumé de ce rendu en reprenant les termes utilisés par les communes et en mettant en évidence les éléments les plus intéressants en termes de pistes d’avenir, sur les trois grandes questions de l’évaluation.

4.1- Impact des PCS sur le bien-être de tous

Face au constat d’une dégradation économique et d’une précarisation des populations les plus défavorisées (chômeurs de longue durée, habitants des quartiers défavorisés, notamment les jeunes des cités, personnes âgées, handicapées et/ou personnes isolées en général, personnes souffrant d’assuétudes, SDF), de la crise du logement pour beaucoup de familles tout en ayant un nombre élevé de maisons unifamiliales avec une personne ou un couple de personnes âgées, de problème de mobilité pour ceux vivant dans les quartiers excentrés ainsi que d’un vieillissement de la population, les PCS ont cherché avant tout à améliorer la situation des personnes les plus touchées en tenant compte des types de problèmes qu’ils rencontrent (solitude, détresse, problèmes relationnels, manque de formation, etc. ) et de leurs attentes et en s’appuyant sur les quatre axes définis dans le décret.

D’une manière générale il ressort que l’impact des PCS sur le bien-être des bénéficiaires a été très positif. Pour tous ou la majorité des bénéficiaires la vie est devenue plus facile, plus « belle », en retrouvant lien social (grâce notamment au tissage de liens sociaux et de solidarité), reconnaissance, sentiment d’utilité sociale, confiance, équilibre et autonomie, et ce y compris pour certaines personnes les plus en marge de la société comme les personnes analphabètes. En touchant ces dimensions essentielles du bien-être les PCS ont conduit à une reprise en main de leur vie par les personnes et les familles et de véritables processus de changements.

La capacité des PCS à changer les situations des publics défavorisés ou à enclencher un processus de changement dans leur vie s’explique par le fait que les dimensions du bien-être impactées sont précisément celles qui peuvent déclencher de tels processus chez des personnes qui sont en situation d’exclusion sociale. Ces dimensions sont essentiellement immatérielles et relèvent de la relation sociale, de la reconnaissance, du sens, de l’équilibre personnel (« se sentir mieux dans sa peau »), de la reprise de confiance en soi et du sentiment d’utilité, alors que ce n’étaient pas les dimensions qui étaient visées au départ, et ce malgré la faible durée des PCS.

Cette capacité des PCS à toucher ces dimensions essentielles tient au type d’approche qui a été développée, notamment l e retissage de liens sociaux, la proximité humaine et la relation au quotidien avec les personnes, leur participation aux activités, le fait de leur avoir permis d’avoir accès à des activités desquelles elles étaient jusque-là exclues et le fait d’être parti de leurs attentes. Pour beaucoup, celles-ci ont même été dépassées, notamment sur le champ de la citoyenneté (reconnaissance comme citoyens à part entière) qui a été déterminant dans le processus de reprise en main de leur vie. L’accompagnement dans l’accès au logement a été également un levier pour certains. Par ailleurs, le fait d’ouvrir les activités au plus grand nombre permet d’éviter les effets de stigmatisation inhérents aux politiques conventionnelles d’assistance.

Il est vrai que le plus souvent ceci ne s’est traduit par une véritable intégration sociale (notamment en (re)trouvant un emploi) que pour une minorité (10% selon certaines communes), mais l’expérience de certaines communes montre que c’est une question de temps et que dans la majorité des cas les effets des processus de changements ne sont pas encore visibles en termes économiques, compte tenu de la courte durée du PCS, mais sont bien exprimés par les bénéficiaires. Tous insistent sur le besoin de la continuité (des activités mais également et surtout du personnel d’encadrement) dans le soutien pour que les processus de reprise de confiance et d’engagements portent leurs fruits et débouchent sur une véritable intégration sociale. Dans certains cas, cette continuité a été assurée, mais quand cela n’a pas été possible, cela a ravivé le sentiment d’abandon.

Le nombre de bénéficiaires touchés reste également minoritaire par rapport au nombre d’habitants et aux besoins réels. Mais d’une manière générale les PCS ont touché les publics défavorisés/précarisés qui en ont le plus besoin, ceci grâce à un travail de ciblage systématique rendu possible par l’approche partenariale, l’attention à la demande et le fait que les personnes précarisées viennent aussi par elles-mêmes. Cela ne veut pas dire que tous ceux qui ont le plus besoin d’appui ont été touchés. Malgré les efforts réalisés, les personnes les plus fragilisées qui ne s’expriment pas ou les plus isolées, celles qui ne peuvent plus sortir de chez elles, que ce soit pour des raisons physiques ou économiques, ou certains jeunes sont les plus difficiles à impliquer. Il n’est pas non plus possible d’atteindre tous les quartiers et villages, notamment ceux qui sont plus isolés.

Par ailleurs, pour certaines catégories de bénéficiaires l’impact des PCS est encore insuffisant ou n’a pas de prise suffisante pour permettre un processus de changement, notamment les bénéficiaires qui ont été déjà confrontés à plusieurs échecs et ont perdu toute forme de motivation pour réfléchir à un projet de vie, cachant parfois une angoisse. Dans ce cas, un travail plus en profondeur est nécessaire en s’appuyant sur d’autres partenaires.

Les défis restant sont donc considérables, mais le PCS a permis d’obtenir des résultats essentiels qui, s’ils sont bien identifiés et valorisés, peuvent fonctionner comme des leviers pour démultiplier l’impact des PCS à l’avenir et dépasser les limites rencontrées avec les moyens disponibles. Ceci constitue sans doute le point le plus important à travailler dans la conception des nouveaux PCS.

Il y a tout d’abord un effet « tâche d’huile » des activités, attirant de plus en plus de personnes, comme les jeunes par l’apparition de dynamiques collectives. Un autre effet levier se retrouve dans le nombre croissant de bénévoles impliqués, du fait du sens que l’approche de coresponsabilité donne à leur action et le lien social qu’elle crée. Certains bénéficiaires ou bénévoles en viennent à s’impliquer fortement et jouer un véritable rôle de relais des travailleurs sociaux pour la démultiplication des actions et des impacts. La décentralisation des services du PCS est également un élément de démultiplication de l’impact, par exemple par la mise en place de maisons de la cohésion sociale dans les villages qui a permis de toucher un public beaucoup plus large.

Comme en attestent les nombreuses actions mises en oeuvre, les PCS ont également ouvert des voies nouvelles pour une meilleure utilisation des ressources existantes tout en renforçant les liens sociaux, comme par exemple dans les auto-partages et autostops organisés, la réutilisation des logements abandonnés, la mise en valeur des espaces urbains pour l’alimentation (jardins partagés), les diverses formes d’échanges directs comme les banques du temps, les magasins d’échange, etc. Certaines de ces approches ont déjà fait l’objet de systématisations des outils et des savoir-faire (comme par exemple l’organisation systématique des co-voiturages avec l’appui des communes, les inventaires de logements vides et les différentes formes de médiation pour leur mise à disposition, etc.) et de mise en réseau pour leur assurer une meilleure pertinence et diffusion. D’autres sont encore dans une phase expérimentale.

Enfin par l’approche participative qu’ils ont développée, les PCS ont permis de mobiliser de nouvelles ressources humaines et compétences sur des bases de volontariat, avec un double effet de bien-être des personnes bénévoles par le rôle et la reconnaissance qui leur sont donnés (cas notamment des personnes âgées) et de bien-être des bénéficiaires, sans que cela ne soit d’un poids trop lourd en termes de finances publiques. Ceci est particulièrement pertinent dans les zones rurales isolées où certaines couches de la population en situation de précarité tendent à se réfugier alors que les moyens disponibles pour l’offre de services sont très limités (par exemple dans une commune, c’est un professionnel retraité volontaire qui assure le service d’appui aux assuétudes, alors que les moyens de faire face à ce problème croissant sont quasi-inexistants dans cette commune rurale isolée).

4.2- Impact du PCS sur la capacité des acteurs à assurer le bien-être de tous

En termes de capacité à assurer le bien-être de tous, le premier apport des PCS est d’avoir permis la mise en place d’une plateforme partenariale au niveau local (la Commission d’Accompagnement), base essentielle pour une approche de coresponsabilité pour le bien-être de tous. Il est vrai que certaines communes avaient déjà des partenariats bien présents (27% de celles qui ont répondu précisément à cette question disent avoir déjà ce partenariat), mais pour beaucoup, les formes partenariales étaient informelles et sporadiques, peu organisées ou en fonction de problématiques bien précises et limitées dans l’espace et dans le temps. Donc dansla plupart des cas, la mise en place d’une plateforme territoriale qui s’inscrive dans la durée a été une nouveauté et répondait à un besoin et une volonté partagée de retisser des relations entre partenaires et des formes de collaboration et de transversalité. Dans certains cas, les partenaires ne se connaissaient pas avant ou ne connaissaient pas les missions et les actions des autres.

Un deuxième apport essentiel des PCS a été l’introduction de l’objectif de cohésion sociale, marquant une différence importante par rapport aux objectifs sociaux antérieurs comme ceux de prévention et sécurité ou ceux plus spécifiques de lutte contre les assuétudes (plan PPP). L’élargissement de l’objectif à la cohésion sociale a permis une approche plus partenariale et participative, même si le concept n’a pas toujours été approprié dans son sens politique (capacité de la société à assurer le bien-être de tous et coresponsabilité des acteurs).

L’existence d’une plateforme partenariale autour de l’objectif de cohésion sociale a permis d’offrir un espace de paroles et d’écoute, de créer des liens entre partenaires, un travail en réseau, une meilleure communication et circulation de l’information. Ceci a débouché sur une vision commune et des objectifs partagés, une connaissance mutuelle ouvrant la voie à des complémentarités, des synergies et la pluridisciplinarité dans des actions transversales et la possibilité à chacun d’avoir une place dans un projet et dans le projet global, tout en assurant la continuité avec les plans qui ont précédé. Ceci a permis également d’assurer une meilleure coordination dans les actions, d’éviter les redondances, d’optimiser les impacts et de faire des économies d’échelles. Notamment, en faisant un inventaire des ressources (matérielles, humaines, financières), partenaires, outils et opérateurs existants sur le territoire, il a été possible de les mutualiser pour un objectif commun et donc d’assurer leur bien meilleure valorisation/utilisation. Il a été aussi possible d’assurer un suivi commun des projets, de favoriser les échanges de savoir.

Cela a facilité les contacts et échanges entre les autorités publiques et la société civile, le relais de la parole des citoyens et partenaires et l’interpellation par les politiques par les professionnels sur des thèmes spécifiques.

Du point de vue des usagers également, les contacts ont été simplifiés grâce à une référence unique et les appuis reçus sont devenus plus pertinents grâce à une meilleure coordination des aides et prise en compte de leurs attentes et besoins. La coopération a également été améliorée entre les administrations locales, le PCS jouant parfois un rôle d’interface entre les différents échevinats.

Il y a eu un effet « boule de neige » dans ce processus induisant une plus grande motivation des acteurs à travailler ensemble. Des partenaires divers viennent ainsi chercher les référents PCS pour manifester leur intérêt à participer au PCS et la diversité, la transversalité et la visibilité des actions conduites ont un effet attractif. De nouvelles connexions et formes de coresponsabilité se mettent en place, comme par exemple les agriculteurs qui accueillent des jeunes en difficulté pour leur permettre de s’épanouir dans un cadre familial adapté à leurs besoins et capacités, en contact avec la nature et des animaux. Un autre exemple parmi d’autres est la rénovation écologique des habitations sociales co-construites entre services publics et locataires. Par ailleurs, le fait que la cohésion sociale soit de plus en plus utilisée dans les medias renforce la communication autour des PCS et donne une plus grande visibilité aux actions.

Des difficultés persistent cependant : notamment si le nombre et la diversité des acteurs impliqués sont très larges, on remarque que les acteurs économiques sont moins présents ou seulement occasionnellement.

Par ailleurs, les différents niveaux de pouvoir des institutions sont parfois un frein à la cohésion sociale, par exemple entre le niveau régional et fédéral, mettant les compétences encore en concurrence, ce qui se répercute négativement sur le travail quotidien des partenaires (par exemple l’AMO, subventionnée par la Fédération Wallonie-Bruxelles, ne peut pas être financée par la PCS alors qu’il y a des complémentarités importantes qui pourraient apporter des bénéfices aux actions menées).

Il n’en reste pas moins que les PCS ont permis de mettre en contact des sujets qui ne partagent pas le même champ d’action ou réseau professionnel. Il a permis de mobiliser et intégrer d’autres sources de financement, base pour la constitution de nouveaux acteurs collectifs.

La Commission d’Accompagnement, et plus particulièrement le chef de projet, ont eu un rôle clé pour permettre ces rapprochements (connaissance mutuelle entre acteurs, mutualisation des ressources, développement des synergies et complémentarités et de la coresponsabilité). Elle joue un rôle de garant pour la bonne conduite des PCS, notamment par la validation et les évaluations. Elle a permis par ailleurs d’établir des liens avec d’autres plateformes comme les Agenda 21. Cependant, si idéalement la Commission d’Accompagnement devrait être l’organe de décision du PCS, sur terrain les choses sont différentes car les élus, le CPAS, etc. en constituent d’autres et la Commission d’Accompagnement n’a pas encore l’occasion d’être une faitière qui chapeaute la politique sociale locale de manière transversale. Par ailleurs, la conduite des réunions laisse parfois à désirer, celles-ci étant souvent trop formelles, voire trop superficielles, ne laissant pas suffisamment de place aux débats de fond et l’obligation de présence de certains partenaires a pu en démotiver certains. Des solutions ont été expérimentées parfois avec succès pour dépasser ces limites, comme par exemple la création de sous-commissions entre acteurs partageant les mêmes spécialités et problématiques, de comités de pilotages par action plus «maniables», la mise en place de groupes de travail avec les élus afin de les impliquer plus directement dans la commission d’accompagnement, ou la participation des bénéficiaires eux-mêmes ou de leurs représentants dans les commissions d’accompagnement.

4.3- Enseignements pour le prochain PCS

a) Orientations générales qui ressortent de l’évaluation

De l’analyse des réponses des communes à cette troisième grande question, il se dégage une claire volonté d’aller plus loin dans les prochains PCS en tirant les enseignements du premier PCS et de son évolution :

  • plus loin dans l’affirmation du caractère transversal de la démarche, notamment en travaillant sur le bien-être dans sa globalité et sa multi-dimensionnalité (par opposition à un travail cloisonné dans différents axes) et non plus seulement sur des phases de vie mais sur les parcours de vie (par exemple, en faisant le lien entre insertion professionnelle et décrochage scolaire, en intégrant le planning familial, en liant la progression de vie d’une personne en fonction des différents axes et en évitant de trop catégoriser les actions par axe, si ce n’est pour des raisons comptables, afin de favoriser les transversalités) ;
  • plus loin dans l’étendue de la transversalité, allant au-delà des quatre axes pour toucher d’autres secteurs essentiels pour le bien-être de tous, tels que éducation, culture, urbanisme, gestion de l’environnement, etc., et en impliquant donc les partenaires concernés ; un débat devrait être engagé à ce sujet pour préciser le rôle des PCS dans la mise en cohérence de toutes les politiques publiques au niveau local, ou si ce n’est pas les PCS , comment cette mise en cohérence globale est assurée ;
  • plus loin dans le public touché, notamment ceux qui cumulent plusieurs exclusions et sont plus difficiles à impliquer, les personnes isolées et précarisées, ceux qui ont émergé par la suite comme les réfugiés politiques ;
  • plus loin dans une approche d’émancipation sociale plutôt que réduction des risques, d’égal à égal, de non-stigmatisation et d’accès à l’autonomie des personnes par opposition à l’assistanat et au paternalisme ;
  • plus loin dans l’implication de tous les citoyens dans la démarche, y compris dans la propre conception des PCS et dans des réunions de concertation régulières, en prenant en compte leurs attentes à partir de leur propre définition du bien-être ou au moins leur expliquant le processus déjà expérimenté dans 15 communes et peaufinant avec eux les critères en termes d’appropriation ; également en créant des relais comme c’est déjà le cas avec certaines Maisons de la Citoyenneté, maisons de quartiers, maisons de la cohésion sociale et en élargissant les thématiques abordées pour toucher d’autres communautés ; certains proposent même la création d’une Commission d’Accompagnement des citoyens intégrée à la Commission d’Accompagnement existante ; la participation citoyenne est considérée comme essentielle pour l’augmentation des forces vives permettant de démultiplier l’impact des PCS ;
  • plus loin dans le retissage des liens sociaux et de solidarité et dans l’extension et la valorisation du bénévolat, notamment avec les aînés exprimant une volonté de rester actifs et de s’impliquer, en confrontant des publics d’âges et de cultures différents pour contribuer à recréer et partager des liens autour d’une activité, et en élargissant à d’autres publics qui ne fréquentent pas les activités mais dont les ressources peuvent être utiles au bien-être de tous ;
  • plus loin en termes de coopération intercommunale, par exemple en travaillant sur des thèmes communs comme celui des assuétudes ;
  • plus loin en termes de perspective à long terme afin de valoriser tous les impacts possibles et d’inscrire la solidarité naissante dans des processus de changements en profondeur dans la société.

A cette fin, les communes mettent en tout premier lieu l’accent sur l’importance majeure d’une approche humaine, basée sur l’écoute, la disponibilité, la proximité avec la population et la durabilité des équipes (y compris dans les contrats) car ceci constitue le coeur du moteur de changement dans les composantes clés du bien-être (non-stigmatisation, reconnaissance, reprise de confiance en soi, gain de sens, engagement réciproque, etc.) avec le potentiel d’effets multiplicateurs qui en découle. La composante éthique prend donc un poids de premier plan et certains en viennent même à proposer une charte et établir des indicateurs guide pouvant refléter l’aspect qualitatif des actions menées et faire ressortir les valeurs communes telles que l’écoute, le dialogue, la tolérance, l’épanouissement personnel.

Plus généralement, les communes préconisent une meilleure systématisation et diffusion des savoirs faire et outils, non seulement en termes d’animation et de positionnement des équipes, mais aussi pour le repérage et la meilleure utilisation des ressources sous-utilisées et la mise en réseau, notamment dans les secteurs clés de l’intégration sociale (logement, santé, insertion socioprofessionnelle, mobilité).

Ceci s’inscrit dans la volonté d’une meilleure gestion partagée des connaissances et de l’information à tous les niveaux, avec notamment les recommandations suivantes :

  • actualisation du diagnostic avec une plus grande participation et prise en compte des attentes des citoyens et des besoins des publics en difficulté, en partant notamment des critères de bien-être et les résultats de la co-évaluation participative ;
  • continuation de la co-évaluation participative, notamment des tables rondes des bénéficiaires, en l’intégrant comme activité du PCS lui-même ;
  • approfondissement de la spécificité, la plus-value et les possibilités d’amélioration de l’approche de cohésion sociale promue par les PCS et communication sur elles avec tous les partenaires pour une meilleure compréhension commune et une plus grande visibilité, y compris les medias (voire en instituant ses propres organes de communication tels que journal d’information, newsletter, répertoire, guide, plateforme virtuelle, profil Facebook PCS, etc.).

Ceci implique un renforcement et élargissement du partenariat en mettant l’accent sur le contenu et la réflexion partagée plus que sur la représentation formelle et la conduite administrative des réunions et en donnant la priorité à des démarches volontaires motivées par le contenu avec des partenaires actifs, plutôt qu’à des règles d’obligation de présence qui s’avèrent parfois contreproductives, tout en évitant que cela apparaisse comme une charge supplémentaire du fait d’une trop grande démultiplication des réunions,. Dans ce sens il est recommandé de développer le travail en sous-commissions ouvertes aux citoyens et en créant des plateformes sur des sujets prégnants (comme la solitude) en étant conscient des suites à assurer à la parole donnée. Ceci avec un partage des responsabilités (en nommant des partenaires responsables de thématiques) avec un bon feed-back entre sous-commissions et la Commission d’Accompagnement, par exemple avec un rapporteur de chaque sous-commission thématique.

Un des effets recherchés est une meilleure articulation, coordination et cohérence entre les actions menées par chacun et le décloisonnement entre les services, en valorisant les acquis, assurant par exemple une meilleure orientation des personnes vers les bons services, l’élimination des doublons dans leur accompagnement et l’harmonisation de l’information au public. L’accent est notamment mis sur le besoin d’une meilleure articulation entre les PCS et les CPAS. Cela implique également un meilleur lien entre le social et le culturel, une meilleure circulation de l’information entre les communes, en informant notamment les communes qui n’ont pas encore de PCS.

b) Rôle du niveau régional

Pour rendre ces orientations générales effectives, le niveau régional a un rôle majeur à jouer. Les recommandations qui reviennent le plus souvent à ce sujet concernent d’une part les aspects légaux, de procédures et de communication et d’autre part, l’accompagnement et le soutien aux processus locaux. Concernant les premières ce sont notamment :

  • le besoin d’affiner le décret, notamment en y inscrivant certains fondamentaux de la démarche, tels que l’objectif de construire la coresponsabilité pour le bien-être de tous, la transversalité intersectorielle de l’approche et la participation citoyenne comme principe (si c’est inscrit dans le décret, ce sera plus facile de sensibiliser les chefs de projet dit une commune) ; également en n’imposant plus des partenaires obligatoires mais en impliquant plus le monde politique, par exemple en proposant une représentation du conseil communal toutes tendances confondues ;
  • le besoin d’une plus grande affirmation et communication sur l’identité, la spécificité et la plus-value sociétale du PCS (conserver la terminologie PCS, éventuellement logo obligatoire, journée PCS commune à tous, parler de « service communal de développement du bien-être de tous les citoyens », plutôt que de « services sociaux » qui font penser à la pauvreté) et surtout une large communication aux élus, aux administrations publiques à différents niveaux et aux médias sur le sens de la démarche de cohésion sociale et de solidarité dans la coresponsabilité pour le bien-être de tous ; l’affirmation de la transversalité du PCS doit également déboucher sur des propositions de changements dans des politiques sur lesquelles les responsables locaux n’ont pas d’influence, mais qui sont essentielles en termes de cohésion sociale et de progrès sociétal (notamment les politiques concernant la gestion des biens communs et des ressources non utilisées, telles que les transports en commun, l’accès au logement, etc.) ; pour faciliter la transversalité, des conventions cadres pourraient être promues pour encourager les partenariats, comme par exemple entre les institutions publiques et le secteur associatif ;
  • enfin le besoin d’une simplification administrative et financière (et adaptation aux pratiques communales) et de délais raisonnables afin de dégager du temps pour le travail de terrain, ainsi que plus de souplesse dans les possibilités de modification des actions en fonction de l’évolution des besoins et possibilités avec, là-aussi, des procédures simplifiées.

Concernant l’accompagnement et le soutien aux processus locaux, les communes insistent essentiellement sur :

  • le besoin de formations et rencontres des chefs de projets et des équipes PCS et d’ateliers sur les méthodes, notamment autour de la participation et de la coresponsabilité, besoin exprimé par le plus grand nombre de communes ;
  • le besoin de développer une réflexion au niveau régional relayant la réflexion au niveau local et en la conduisant avec les acteurs de terrain eux-mêmes ;
  • dans le même sens, le besoin de formation des acteurs locaux, y compris des élus, sur les principes de l’approche de cohésion sociale, son potentiel et sur les acquis méthodologiques et questions pour valoriser ce potentiel ;plus généralement le souhait est exprimé d’une plus grande association de tous les partenaires dans le processus régional ;
  • le besoin d’une plus grande implication de la Direction interdépartementale de la Cohésion sociale (DiCS) par la supervision et un soutien dans la réflexion ;
  • le besoin d’une meilleure coordination des actions entre communes et d’une harmonisation entre niveaux territoriaux (communes, provinces, communautés, région), notamment autour de thématiques similaires.

En appui de ces processus, des formations et échanges des outils sont à mettre en place, notamment :

  • le besoin d’une systématisation de l’information et sa mise à disposition de tous (bases de données des actions, des partenaires existants) ;
  • le besoin de données statistiques, notamment avec l’aide de l’IWEPS (notamment la réactualisation des indicateurs synthétiques) ainsi que d’indicateurs de suivi des résultats et impacts.

Beaucoup de communes insistent par ailleurs sur le besoin de plus de moyens financiers et humains (surtout par le fait que la force de la démarche, on l’a vu, tient avant tout à la relation humaine), en prévoyant si possible deux subsides distincts (un pour le chef de projet et un pour le fonctionnement) et un budget pour les dispositifs d’échange entre PCS.

c) Calendrier

En termes de calendrier un consensus semble se dégager pour considérer qu’il n’était pas possible de préparer les PCS avant les nouvelles élections d’octobre 2012. Jusqu’à cette date l’essentiel du travail a donc porté sur la finalisation des évaluations pour tirer les enseignements du PCS qui s’achève. En revanche la période post-électorale permet d’envisager un processus de consultation large en impliquant les citoyens et les nouveaux élus. Certaines communes ont ainsi annoncé leur intention d’initier des activités de préparation des PCS avec les citoyens et les acteurs institutionnels dès la fin 2012 puis avec les nouveaux élus dès leur prise de fonction en janvier 2013 avec l’objectif de définir un PCS qui serve de référence pour la législature (2014-2020). A cette fin des réunions en sous-groupes par axes de travail, en ouvrant à tous les partenaires potentiels et des réunions inter PCS sont envisagées.

Il convient de rappeler ici que la période 2014-2019 est cruciale par rapport aux objectifs 2020 de l’Union Européenne. Il est attendu des nouveaux PCS qu’ils puissent jouer un rôle moteur dans cette perspective, en s’appuyant sur les acquis du premier PCS.

Conclusions

En conclusion, les Plans de Cohésion Sociale (PCS) des communes wallonnes ont ouvert la voie à une approche nouvelle des questions sociales, en accord avec l’orientation de coresponsabilité pour le bien-être de tous promue par le Conseil de l’Europe dans le cadre de sa stratégie de cohésion sociale, aujourd’hui essentielle pour faire face à la crise. Première région d’Europe à avoir lancé des Plans de Cohésion Sociale à grande échelle (deux communes sur trois ont un PCS) la Wallonie dispose ainsi d’un capital d’expériences particulièrement pertinent, non seulement pour la Région mais aussi pour les autres régions et pays d’Europe et d’ailleurs.

L’évaluation des PCS met en effet en évidence comment - grâce à une évolution déjà ancienne puisque des approches de dialogue intersectorielles et de coresponsabilité étaient déjà présentes plusieurs années avant les PCS dans le cadre des plans antérieurs ou au sein des associations et autres organisations de la société civile -, des processus d’apprentissage ont pu se développer, permettant d’élargir considérablement l’impact des actions conduites avec un même niveau de ressources, par exemple en passant de l’action pilote à la systématisation et diffusion des savoirs faire, puis la mise en réseau. Ces cycles d’apprentissage ont permis également de repérer et valoriser les possibilités d’économies de moyens par les nombreuses formes de (re)mobilisation des ressources existantes et surtout d’enclencher des effets multiplicateurs à différents niveaux comme mis en évidence dans ce rapport.

Le potentiel mis ainsi en lumière est énorme. L’évaluation démontre cependant que sa mise en valeur est encore bien en deçà de ce qu’il serait possible d’obtenir. Un travail reste à faire à plusieurs niveaux pour que ces approches puissent être porteuses de solutions à l’échelle des besoins réels et de transformations sociales à plus long terme :

  • Il y a d’abord le niveau des équipes elles-mêmes qui ont la responsabilité de la conduite et de l’animation des PCS. L’évaluation a mis en évidence que leur capacité de repérage et de valorisation des leviers et des atouts est encore loin d’être totalement acquise, que leur tâches de gestion administrative quotidienne limitent leurs possibilités d’observation, d’apprentissage et d’intervention. La co-évaluation participative a été une contribution importante pour pallier à cet inconvénient, notamment par les feed-back des bénéficiaires qui, pour beaucoup de partenaires, ont été une surprise car c’était la première fois qu’ils avaient ainsi l’occasion d’entendre de la bouche des personnes ce que le PCS leur avait apporté. Or ce sont là des éléments essentiels à comprendre pour pouvoir valoriser, ensemble, les effets multiplicateurs possibles et les rendre effectifs. L’intérêt de la co-évaluation participative a d’ailleurs été bien compris puisque beaucoup vont l’intégrer comme partie prenante des prochains PCS.
  • Il y a ensuite le travail à conduire au niveau des acteurs publics, privés et citoyens de chaque commune. Si les commissions d’accompagnement ont joué un rôle majeur de promotion de la coresponsabilité entre acteurs locaux, une mobilisation plus large de la société locale est indispensable pour donner à l’impact des PCS une véritable dimension territoriale. Cela passe notamment par une meilleure communication sur l’intérêt de la démarche développée par les PCS. C’est en comprenant bien le potentiel qu’ils représentent qu’il est possible de le communiquer et d’impliquer d’autres acteurs dans une approche de coresponsabilité, notamment les couches sociales plus favorisées qui disposent de plus de moyens. Il existe par ailleurs d’autres outils d’implication des citoyens, comme par exemple ceux qui sont promus dans le cadre de la méthodologie SPIRAL dans ses derniers développements, notamment la démultiplication des groupes homogènes de citoyens pour construire une vision du bien-être de tous partagée par le plus grand nombre, comme base d’une démocratie participative élargie.
  • Une meilleure participation de la société locale à la démarche suppose une forte implication des élus et responsables politiques et ceci doit pouvoir se faire non seulement au niveau local mais également au niveau régional. La Région a donc un rôle majeur à jouer pour promouvoir un consensus politique large autour des idées de cohésion sociale, coresponsabilité pour le bien-être de tous et réduction des inégalités comme éléments moteurs de sortie de la crise et fédérateurs des politiques sectorielles et territorialisées. Elle doit également créer les conditions d’une meilleure efficacité au niveau local, tenant compte des recommandations présentées ci-avant.
  • Enfin la plus-value et le potentiel des PCS gagneront à être mis en valeur au niveau européen en le confrontant à des expériences existant dans d’autres régions et pays d’Europe. A un moment où l’Union Européenne est à la recherche de solutions nouvelles pour atteindre les objectifs 2020 dans un contexte de crise et de régression sociale qui va à l’encontre de ces objectifs, l’approche de coresponsabilité pour le bien-être de tous apparaît, plus que jamais, comme une orientation indispensable dont il faut pouvoir valoriser le potentiel considérable qu’elle revêt. Cela passe par un processus d’apprentissage au niveau du continent où les leçons apprises des acquis du terrain sont intégrées dans des politiques publiques nationales et européennes afin d’aller au-delà des approches conventionnelles pour entrer dans le champ de la facilitation des démarches de coresponsabilité, de reconnaissance de leur rôle majeur pour sortir de la crise et de leur extension au-delà de l’expérimentation. Des progrès importants sont à faire dans ce sens comme, par exemple, en termes de législations pour une meilleure mise à disposition des ressources locales non utilisées ou abandonnées, la gestion collective des biens communs ou les modalités de financement mettant l’accent sur l’encouragement à la coopération plutôt que la compétition. L’expérience wallonne est un apport considérable pour alimenter ce processus d’apprentissage et le Conseil de l’Europe, en partenariat avec l’Union Européenne, compte pouvoir s’appuyer sur ces acquis pour les valoriser au même titre que ceux d’autres villes et régions d’Europe qui s’inscrivent dans cette démarche (1).

Ces différents niveaux d’intervention sont interdépendants et indissociables. C’est en particulier en partant du niveau local qu’il est possible de questionner et renouveler les politiques publiques à différents niveaux pour qu’elle soient plus en phase avec les besoins du terrain et les attentes des citoyens et c’est en s’appuyant sur les politiques publiques qu’il est possible de consolider les processus locaux et leur permettre d’atteindre une échelle suffisante pour contrecarrer les tendances à l’augmentation des inégalités, de l’exclusion et de la pauvreté et à la segmentation de la société. La co-évaluation participative des PCS a mis en évidence comment ces derniers peuvent être une base essentielle pour cette démarche à la fois ascendante et descendante. Certains points qui en sortent questionnent les politiques publiques dans leur conception générale et demandent un véritable renouvellement de l’organisation sociale globale, comme, par exemple, la nécessité d’une approche par les cycles de vie et non plus fragmentée par phases de vie. A cet égard les réflexions conduites au niveau européen, notamment les propositions qui ont été avancées dans le cadre du projet « droit et pauvreté » conduit par le Conseil de l’Europe en partenariat avec l’Union Européenne(2), y font écho et devraient pouvoir faciliter ce nécessaire croisement entre processus locaux et politiques globales pour l’émergence d’une société coresponsable du bien-être de tous sans exclusion ni discrimination et générations futures incluses.

Note 1 : Voir le Guide récemment publié « pauvreté et inégalités dans des sociétés des droits de l’homme – le paradoxe des démocraties » - Conseil de l’Europe – Février 2013.

Note 2: Le projet « Responding Togeher » conduit par le Conseil de l’Europe en partenariat avec l’Union Européenne et le Réseau International des Territoires de Coresponsabilité (« Together for territories of coresponsibility »), promu par le Conseil de l’Europe dans le cadre de son Plan d’Action pour la Cohésion Sociale, seront notamment des instruments clés de promotion d’un apprentissage au niveau européen dans ces nouveaux champs.


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