La multicrise (climatique, écologique, sanitaire, sociale, politique, guerrière, etc.) dans laquelle l’humanité s’enfonce dangereusement ne sera pas résolue uniquement par des décisions institutionnelles, car dans un monde hyperconnecté, les décisions des gouvernants sont inévitablement le reflet de l’opinion publique. Si celle-ci ne change pas, les décisions prises ne changeront pas non plus, ou bien de manière trop marginale et insuffisante pour faire face à l’urgence. Notre incapacité collective à éviter la catastrophe climatique et humaine qui débute illustre ce blocage.
Or l’opinion publique est elle-même le reflet d’une société gangrenée par les luttes d’intérêts, où chacun, chaque organisation, chaque secteur d’activité défend avant tout ses intérêts à court terme. Servir l’intérêt collectif nécessite de renforcer le lien social de solidarité et de le partager depuis son niveau élémentaire: celui du voisinage. Ceci ne s’improvise pas, il faut l’organiser par des politiques adéquates, dont voici quelques lignes essentielles, tirées des expériences réalisées avec succès dans certains pays.
De même qu’il existe des collectivités territoriales publiques, il devrait exister des collectivités territoriales citoyennes reconnues comme telles, en offrant un cadre politique, juridique et éthique à leur pleine expression. L’Association de Voisinage (AV) en serait la base, à savoir une association libre de tous les habitants d’un même lieu de vie à l’échelle d’un village ou d’un quartier où il est possible de pratiquer une démocratie directe en assemblées citoyennes inclusives. Ceci avec un objectif clair : Construire ensemble des solutions concrètes déjà à ce niveau, avec une éthique de coresponsabilité pour assurer le bien-être de tous, tout en réduisant rapidement notre impact carbone, en préservant la biodiversité et en réparant les pollutions sous toutes leurs formes.
Les solutions concrètes sont presque sans limites (partage de biens, entraides, économie circulaire, transitions énergétiques, etc.). En ayant une existence légale et reconnue, à caractère territorial, toute AV peut aussi devenir propriétaire de biens communs, gérés collectivement sur son territoire.
Cela implique un changement radical dans la conception du pouvoir public et des élus. De décideurs il doivent devenir avant tout des facilitateurs et des garants. Quant aux décisions elles-mêmes elles gagnent à être prises dans la concertation, là aussi dès les échelles locales. La construction de partenariats territoriaux collaboratifs communaux ou intercommunaux, entre l’ensemble des AV du territoire concerné, ses collectivités territoriales (communes,…) et tous les autres acteurs collectifs (publics ou privés) intervenant à ce niveau, est une base essentielle de la démocratie collaborative de codécisions.
Le même type de partenariat territorial est envisageable à toutes les échelles, du local au mondial, suivant le même principe : concertation entre les représentant du niveau inférieur et et les pouvoirs publics et acteurs collectifs concernés sur les besoins communs et les moyens à mettre en œuvre à l’échelle considérée. Un rapide calcul met en évidence la nécessité de 7 niveaux pour parvenir au niveau mondial depuis les AV.1) communal ou intercommunal ; 2) micro-régional ; 3) régional ou national suivant la taille du pays ; 4) National ; 5) Sous- continental ; 6) Continental : 7) Mondial. La relation de voisinage solidaire et coresponsable n’est pas seulement territoriale. Elle gagne à être aussi inter-territoriale, grâce à la coopération décentralisée, notamment avec les territoires des pays du sud qui sont dans d’autres types de besoin et desquels on peut aussi beaucoup apprendre. Il s’agit donc de développer une solidarité universelle (du local au global). Elle inclut l’accueil des réfugiés (climatiques ou autres) et des migrants dans la concertation et la dignité, en partenariat avec les territoires concernés (origine et accueil).
Un tel projet citoyen implique un cadre politique, juridique, éthique et méthodologique
- Politique car il implique une refonte de la démocratie dans trois dimensions : directe dans les AV, collaborative dans les partenariats territoriaux et représentative dans la gestion des pouvoirs publics,
- Juridique car il implique la reconnaissance du statut communautaire des Associations de Voisinage de leurs biens, différent et complémentaire des statuts public et privé du droit romain
- Ethique, autour des valeurs de démocratie, de coresponsabilité pour le bien-être de tous et de la planète, de solidarité et fraternité qui en découle. et, plus généralement de co-étance, incluant tous les êtres et entités, vivants et non vivants et générations passées et futures.
- Méthodologique car la vraie démocratie exige un processus d’apprentissage de l’écoute et du respect du droit de parole individuelle pour parvenir la coconstruction de connaissances partagées des attentes de chacun. Quatre dispositifs de facilitation de cet apprentissage sont proposés.
En termes méthodologique la démarche VIVE (Voisins Interconnectés pour mieux Vivre Ensemble) est à l’essai. Elle se réalise en sept étapes résumées dans tableau annexe. Elle donne à chacun l’opportunité de construire sa propre vision et à prendre connaissance de celle des autres dans une synthèse partagée des attentes personnelles, sans laisser personne, ni aucune idée de coté :
- Vision individuelle et collective des attentes en termes de bien-vivre, sur la base des critères de bien-être et mal-être de chacun. C’est la méthodologie SPIRAL Cliquer ici pour en savoir plus.
- Vision individuelle et collective de la situation présente et des progrès à réaliser par rapport aux générations actuelles et futures (notamment en termes de réduction des émissions d’eCO2, protection de la biodiversité et des espaces de vie et lutte contre toutes les formes de pollution), en s’appuyant sur l’Équation de Gaïa. Cliquer ici pour en savoir plus.
- Vision individuelle et collective des critères à prendre en compte pour assurer l’épanouissement de tous et de chacun(e) dans sa participation au bien-être collectif, notamment dans les temps de vie (formation, travail, temps libre, repos, …). Cliquer ici pour en savoir plus (lien à construire)
- Construction d’une stratégie et d’un plan d’action partagé pour mettre en œuvre ce progrès et se donner une perspective temporelle, en s’appuyant sur le jeu du bien-être collectif. Cliquer ici pour en savoir plus.
Mise en œuvre : le rôle majeur des écoles
Un tel processus nécessite la mobilisation de temps de réflexion, de concertation et de codécision pour lesquels les disponibilités sont faibles et les habitudes peu favorables. Pour susciter et motiver l’intérêt, il est proposé de s’appuyer sur les enfants et les adolescents et les écoles, d’autant qu’ils représentent eux-mêmes les générations futures auprès de leurs parents, grand parents, voisins, etc.
Cela implique un changement radical dans l’éducation : Passer d’une éducation compétitive à une éducation coopérative et intergénérationnelles en lien avec la société locale, afin que les écoles puissent devenir des catalyseurs des Associations de voisinage (écoles primaires) et des partenariats territoriaux aux différentes échelles (lycées, universités).
Conclusion et appel
Cette proposition ne prétend nullement être une solution universelle. Il s’agit avant tout de proposer une ligne de conduite basée sur des acquis déjà existant et qui demande à être expérimentée et corrigée/améliorée/ adaptée suivant les contextes propres à chaque territoire. Étant encore dans une phase de conception, elle doit être affiné avec les premières expérimentations.
Dans un moment d’urgence il est essentiel de trouver une forme de maillage des multiples expériences existant un peu partout dans le monde autour d’un projet politique global partagé qui assure concrètement le bien-vivre ensemble aujourd’hui et demain. Ce projet reste à construire. Cette proposition est une contribution dans ce sens. Pour participer à son développement ou manifester votre intérêt envoyer un email à together(at)wikispiral.org.